Débat public

Débat public centre de traitement des déchets ménagers d’Ivry/paris XIII

Faut-il reconstruire le centre de traitement des déchets ménagers d’Ivry / Paris XIII ?

Cahier d’acteur des Verts d’Ivry-sur-Seine, novembre 2009

Rappelons tout d’abord que le traitement des déchets ne représente qu’une seule étape, parmi d’autres, de la politique des déchets. L’interrogation ci-dessus pourrait donc s’énoncer ainsi : « Quelles alternatives permettaient de se passer d’un centre de traitement des déchets ? »

En effet, si les deux axes d’une politique des déchets – réduction et recyclage d’une part, traitement d’autre part – sont complémentaires, il faut néanmoins les hiérarchiser, car plus on prévient et l’on trie d’un côté, moins l’on a de déchets à traiter de l’autre. Or la question des alternatives n’est pas traitée par le maître d’ouvrage, qui assimile les déchets à des ressources (1). Cette conception, qui met l’accent sur la « valeur » des déchets fait passer au second plan la nécessité de réduire leur quantité à la source. Comme pour contrebalancer cette position, le maître d’ouvrage affirme dans le même temps son engagement prioritaire pour la prévention (2), ce qui est démenti par son très faible niveau d’investissement dans ce domaine (3).

Il serait donc nécessaire que le maître d’ouvrage propose un projet clair sur ses ambitions en présentant plusieurs alternatives, dont au moins une réellement axée sur la prévention et le recyclage.

La prévention et le recyclage sont-ils suffisamment développés ?

Derrière chaque déchet se cachent des quantités très importantes de ressources qui ont permis de le produire (4) et de le transporter. Chaque déchet qui n’est ni réutilisé, ni recyclé, ni composté, représente donc un gâchis de matière très important. La priorité devrait donc aller à la prévention et au recyclage, d’autant plus que la France est à la traîne dans ce domaine (5), et que le cadre législatif est favorable à ces orientations. Or le tableau ci-dessous nous montre que le projet du Syctom est très inférieur aux objectifs du Predma en matière de prévention et de tri, à ceux du Grenelle en matière de recyclage et d’incinération (6) et à celui de la directive cadre européenne sur les déchets 2008/98 en matière de réemploi et de recyclage.

Pourtant, des solutions existent pour remplir ces objectifs : encouragement du tri sélectif par une tarification incitative (par exemple à Ivry, les particuliers ne paient pas de taxe sur les ordures ménagères (7)) ; recours au compostage individuel ou collectif (au pied des immeubles et dans les jardins partagés notamment) ; développement d’alternatives à l’abandon… La plupart de ces solutions ont déjà été mises en œuvre ailleurs avec succès, notamment à Besançon pour la tarification incitative, ou à Rennes pour le compostage collectif. De plus, lors de la séance du débat public du 1er octobre, plusieurs intervenants ont fait référence à des expériences ayant prouvé la possibilité de réduire de façon très significative les quantités de déchets produites : des foyers témoins sont parvenus à ne produire « que » 50kg de déchets résiduels par an et par habitant (après tri), d’autres ont réduit de 87kg (soit de 22%) le poids de leurs déchets par an et par habitant, y compris en zone urbaine dense (11e arrondissement de Paris (8)) … On est loin des 5% d’ici 2023 envisagés par le Syctom !

Sachant qu’un réel investissement sur les « bons gestes » a déjà permis ailleurs d’atteindre des résultats très probants, il est nécessaire que nous agissions en ce sens pour réduire très fortement les quantités de déchets résiduels à traiter.

La place et les moyens financiers accordés à la prévention et au recyclage devraient donc être beaucoup plus importants que ce que propose le Syctom et, en tout état de cause, une hypothèse excluant l’incinération devrait être proposée afin que le débat soit réellement complet.

Quelle place pour l’incinération avec valorisation énergétique dans l’agglomération parisienne ?

L’amalgame qui est fait par le Syctom lorsqu’il qualifie son projet de « projet de valorisation organique et énergétique des ordures ménagères » (9) n’est pas acceptable, car l’aspect « traitement des déchets » est de ce fait occulté au profit de ce qui est produit par le traitement (énergie, compost…) -hormis les déchets nocifs produits par l’incinération, type mâchefers. Selon nous, la première fonction du centre d’Ivry/Paris XIII doit être le traitement des déchets que l’on n’a pas réussi à éviter, la production de chauffage urbain, d’électricité ou de biogaz ne venant qu’ensuite. Ainsi, on évite de mettre la priorité sur l’alimentation de la machine qui nuit gravement à la volonté de prévenir et de recycler. Bien sûr, chacun doit pouvoir se chauffer correctement. Mais cela est une autre question, qui, si elle devait jouer un rôle dans le débat, devrait être clairement présentée comme telle. Dans ce cas, il faudrait que soient abordées et discutées toutes les solutions possibles, y compris celles qui sont plus économiques, plus écologiques et plus bénéfiques à l’emploi local que l’incinération (10).

Le projet du Syctom devrait donc répondre à la question suivante : « Quelle serait la meilleure manière de traiter nos déchets à partir de 2023 ? »

La méthanisation avec valorisation biologique des déchets est-elle une solution d’avenir pour l’agglomération parisienne ?

La méthanisation peut représenter une alternative intéressante à l’incinération des déchets (évitement des émissions de polluants générés par l’incinération et traitement à grande échelle des déchets organiques), mais l’option proposée par le Syctom, qui inclue un tri mécano-biologique des déchets fermentescibles dans l’usine, est toutefois loin d’être satisfaisante : ce tri réalisé en aval du producteur génère un compost de qualité bien moindre qu’un compost trié en amont de l’usine -les déchets fermentescibles ayant été en contact prolongé avec des déchets potentiellement toxiques (piles, détergents, etc…)- et des résidus d’éléments indésirables (11) se retrouvant plus facilement dans le compost final (12). A noter d’ailleurs que la norme NF U 44051 est loin d’être la plus exigeante en la matière (13). La question des débouchés doit donc être sérieusement traitée. Enfin, le TMB va à contre-courant de la prévention, en laissant croire qu’il n’est pas nécessaire que chacun trie sa poubelle, et que cela peut tout aussi bien être fait par une machine.

Nous nous interrogeons donc concernant l’impact contre-productif qu’aurait le recours au TMB sur les politiques menées pour favoriser la prévention et le recyclage auprès des citoyen-nes.

Nous demandons que soit menée une enquête sur les gisements potentiels de biodéchets sur l’ensemble du bassin versant et la possibilité de mettre en place une collecte sélective de ces déchets.

Quels modes et quelles capacités de traitement pour le nouveau centre ?

Pour toutes les raisons évoquées plus haut, nous pensons que le projet du Syctom ne doit pas être tourné principalement vers le traitement des déchets résiduels, comme c’est le cas actuellement, mais vers l’évitement de la production de déchets et le recyclage. Concernant les capacités, il est très clair que le Syctom n’a pas suffisamment pris en compte les possibilités de diminuer la quantité de déchets à traiter dans les années à venir (14). Or un tel projet doit pouvoir être viable à cette échelle de temps.

Il faudrait donc que le Syctom propose un ou plusieurs scénarii incluant ces paramètres, et excluant, ou visant à exclure à terme, l’incinération. De plus, quels que soient les projets proposés, ils doivent tous être conçus impérativement de manière à être modulables, de façon à pouvoir facilement intégrer les progrès en matière de réduction des déchets et de développement des énergies renouvelables. (15)

Quels sont les impacts environnementaux et sanitaires du traitement des déchets à Ivry/Paris XIII ? Quelles sont les mesures de contrôle et de suivi ?

Tout d’abord, la réduction du tonnage de déchets à traiter, grâce à la prévention, représente un premier moyen de réduire l’impact environnemental lié au transport des déchets. De plus, la question des nuisances olfactives doit être étudiée bien en amont comme un enjeu prioritaire.

Concernant l’incinération, celle-ci comporte des risques environnementaux et sanitaires importants. Ainsi, sur le plan environnemental, la production d’énergie par incinération des déchets ménagers est très fortement émettrice de gaz à effet de serre (dont le CO2) (16), atteignant des niveaux équivalents à ceux du pétrole et du charbon.

Aujourd’hui, les défenseurs de l’incinération nous expliquent que les risques sont contrôlés… Des progrès ont certainement été faits sur certains polluants, notamment les dioxines, mais comment garantir l’innocuité des émissions alors que les conséquences de l’incinération n’ont pas été étudiées pour toutes les molécules (17) ? Il faut également souligner les risques de pollution liés aux résidus d’incinération, et notamment aux mâchefers, véritables concentrés de substances polluantes, disséminés sur le territoire…

Nous souhaitons qu’une étude sur les risques sanitaires soit réalisée à Ivry, dès maintenant, pour avoir une information détaillée sur les rejets actuels et les risques liés aux mélanges de polluants entre eux. L’école Dulcie September, située à proximité de l’usine de traitement, pourrait être l’un des lieux d’étude.

La méthanisation semble une alternative intéressante à l’incinération, car elle permet d’éviter l’émission de nombreuses particules. Néanmoins, elle produit aussi des refus et une pollution olfactive indéniable. Une visite récente à l’unité de Varennes-Jarcy fait douter de la possibilité de placer une unité de méthanisation en zone urbaine dense.

Enfin, quelle que soit la solution adoptée, il est primordial que le suivi des impacts du traitement des déchets puisse être connu de tous (tonnages et pourcentages, types d’ordures, affichage des rejets et incidents en mairie etc…), la population ayant le droit de connaître la qualité et la quantité des ordures ménagères qui seront traitées dans cette future usine. De plus, la possibilité d’exercer des contrôles indépendants doit être explicitement prévue et financée dans le projet.

Le projet du maître d’ouvrage doit présenter tous les impacts sanitaires et environnementaux potentiels de son projet, et inclure les éléments présentés ci-dessus.

Comment intégrer le centre de traitement dans son environnement urbain ?

Au vu des éléments ci-dessus, l’intégration d’une unité d’incinération et de méthanisation dans un environnement urbain dense semble très difficile.

Quel coût et quelles modalités de financement du projet ? Qui va décider ? Quelle concertation en cas de poursuite du projet ?

Pour ce qui est du financement, nous souhaitons que le Syctom précise les coûts du traitement des déchets produits par l’incinération (mâchefers, etc…).

Concernant la poursuite du projet, les interventions des différentes parties prenantes lors des premières séances du débat ont démontré qu’il était nécessaire que le projet soit approfondi, notamment dans les domaines de la prévention et du recyclage, avant de pouvoir être poursuivi.

P.S

1. « La plupart des déchets ménagers constituent des ressources ou « des matières premières secondaires » […] Ils peuvent donc servir à des fins utiles » p11 du dossier du maître d’ouvrage, et « Il faut désormais les traiter [les déchets] comme des ressources à valoriser », François Dagnaud, à l’occasion de la séance d’ouverture du débat public, le 22 septembre 2009.

2. « Evidemment, ce projet d’Ivry – Paris XIII s’inscrit résolument dans la stratégie du Syctom. Celle-ci repose sur une première priorité : la prévention et le recyclage », François Dagnaud, séance d’ouverture du débat public, 22 septembre 2009.

3. « Les actions, le budget de prévention du secteur en 2008 dépasse 60 000 euros », p18 du rapport d’activités 2008 du Syctom.

4. Plusieurs exemples nous ont été donnés lors de la réunion sur la prévention et le recyclage.

5. France : 16% des déchets municipaux recyclés, 14% compostés, 36% incinérés Ë UE : 22% recyclées, 17% compostés et 20% incinérés. Source : Eurostat

6. Source : Dossier du maître d’ouvrage, pages 38 et 39

7. Les services de la mairie interrogés parlant même de « gratuité ».

8. Exemples donnés par Anne Laure Wittmann, représentante des Amis de la Terre, et Francis Chalot, consultant en gestion des déchets et élu local.

9. C’est d’ailleurs cette expression qui a été retenue dans le titre du dossier du maître d’ouvrage.

10. On pense notamment à l’isolation des bâtiments et au développement local des énergies renouvelables (géothermie, biomasse, énergie solaire…).

11. Lors de la visite de l’unité de méthanisation de Varennes-Jarcy, on a pu constater que des bouts de verre et de plastique, parfois assez grands (jusqu’à 1 cm sur 1 cm), se retrouvaient dans le compost final issu du TMB.

12. Le compost issu de la méthanisation d’ordures ménagères résiduelles triées en TMB est d’ailleurs interdit en Allemagne. Source : Fiche du CNIID, Le tri mécano-biologique, une fausse alternative

13. Source : Dossier du maître d’ouvrage, tableau p 5.

14. Au vu des objectifs du Grenelle, du PREDMA, de la directive cadre sur les déchets, ainsi que des expériences menées auprès de « foyers test » mentionnés précédemment.

15. La production d’énergie par incinération produisant des déchets, celle-ci ne peut être considérée comme énergie renouvelable ou soutenable.

16. Source : Etude du Commissariat général du plan – Energie 2010 2020, trois scenarii énergétiques pour la France.

17. Notamment les nanoparticules et les polybromés.

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