Pour la défense du droit à l’interruption volontaire de grossesse et du centre IVG de l’hôpital de Bicêtre

Intervention de Mehdy BELABBAS au Conseil municipal du 16 février 2012 sur le voeu présenté par EELV au nom de la majorité municipale

Monsieur le Maire, cher-e-s collègues, Mesdames, Messieurs,

La conquête du droit à l’Interruption Volontaire de Grossesse s’inscrit dans la longue histoire des luttes féministes, dont il nous appartient de préserver et de faire progresser l’héritage.

Disposer de son corps, accéder à la contraception et pouvoir bénéficier de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) sont des  droits fondamentaux et des libertés acquises de haute lutte et non négociables pour les femmes. Elle ont été nombreuses en France à payer le prix fort pour cette conquête.

Comment accepter que le droit à l’IVG en France soit aujourd’hui contesté et menacé ? Après sa légalisation en 1975, le droit à l’IVG est aujourd’hui remis en cause par l’obscurantisme et par des logiques financières inacceptables.

Le vœu que je présente ce soir pour le groupe EELV et au nom de la majorité municipale en témoigne : le projet de relocalisation du centre IVG de l’hôpital de Bicêtre au sein du service de maternité, par sa nature et par les conditions dans lesquelles il aurait lieu, menace l’accès au droit à l’IVG pour les Val-de-Marnaises, et donc pour les Ivryennes. Il les priverait d’un lieu conçu spécifiquement dans lequel elles peuvent bénéficier d’un suivi approprié.

Cet événement, au-delà de son impact local, s’inscrit dans un processus de détérioration plus général : de plus en plus de centres IVG sont en effet fermés ou menacés de fermeture par manque de crédits. Alors que pour en faciliter l’accès, les centres IVG doivent couvrir l’ensemble du territoire.

De même, le nombre de praticiens est en diminution. La génération de médecins militants qui ont commencé l’IVG n’a pas trouvé la relève pour pratiquer cet acte mal rémunéré et facile à faire – et donc peu valorisant techniquement et professionnellement.

La clause de conscience est trop souvent une excuse pour ne pas avoir à pratiquer l’acte d’IVG. Rappelons que la clause de conscience ne peut en aucun cas être un obstacle à l’exercice du droit.

Le manque de place conduit de plus en plus de femmes à devoir aller à l’étranger pour pratiquer une IVG et ce afin d’éviter une attente trop longue malheureusement synonyme d’un dépassement du délais légal.

Enfin, l’acte de l’IVG coûte encore entre 38€ et 55€, après remboursement de la sécurité sociale, suivant le mode d’intervention choisi. Nous devons poursuivre le combat pour la gratuité de cet acte car c’est une condition nécessaire pour un accès libre à l’IVG, y compris pour les femmes étrangères ou les adolescentes, quel que soit leur statut.

Ce constat est inacceptable, et nécessite une intervention politique à tous les échelons. Le vœu que je vais maintenant vous lire participe de notre intervention, au niveau municipal.

 

 Texte du vœu

« Depuis 1975, le droit à l’interruption volontaire de grossesse est reconnue par la loi. Mais, pour que ce droit soit effectif, il faut que les femmes, quels que soient leurs moyens, puissent avoir accès à des structures adaptées où elles seront accueillies, informées et accompagnées dans les meilleures conditions possibles.

La restructuration des structures hospitalières menée dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques, qui amène une détérioration progressive mais bien réelle du service public de la santé, touche tout particulièrement les services où l’on pratique l’Interruption Volontaire de Grossesse. Au sein de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP/HP), le nombre d’IVG a diminué de 12% au cours des 5 dernières années, non pas parce que les besoins ont baissé mais parce que les capacités des structures existantes diminuent. Certains centres IVG ont été fermés, d’autres fondus dans d’autres services et ont vu généralement leur activité diminuer.

Cette évolution ne peut que profiter au système de santé privé. En Île-de-France, plus de la moitié des IVG sont pratiquées au sein de structures privées. Dans le Val-de-Marne, seulement cinq des dix-neuf centres ou cliniques pratiquant l’IVG sont publics.

Considérant que déléguer au privé ce type d’actes revient, de la part de l’Etat, à refuser d’aider les femmes en situation de fragilité -et en particulier les plus jeunes d’entre elles- à accéder à un droit essentiel, ces structures privées n’apportant en effet pas les mêmes garanties que le secteur public en termes d’accompagnement psychologique et social ;

Considérant que dans ces conditions, la volonté de la direction de l’hôpital de Bicêtre d’une relocalisation du centre IVG au sein du service maternité, faite sans concertation préalable, ni avec les personnels concernés, ni avec les usagères, remettrait en question ce qui fait la spécificité de ce centre, qui est de permettre une prise en charge globale des patientes en regroupant dans des locaux dédiés l’ensemble des activités du centre (consultation médicale et hospitalisation mais aussi accompagnement par des psychologues et des assistants sociaux) ;

Considérant que cette relocalisation apparaît donc comme un nouveau coup porté au droit à l’IVG dans de bonnes conditions pour toutes les femmes du département, dont notamment les Ivryennes ;

Considérant en outre que le centre, qui réalise entre 800 et 900 IVG par an, conduit également de nombreuses actions de prévention, de planning familial et des consultations de contraception, et que la pérennité de ces activités -malheureusement considérées comme secondaires- serait remise en question par la fusion projetée avec un service maternité déjà sous pression ;

Considérant que les conditions d’accueil des patientes risqueraient également d’être considérablement dégradées ;

Considérant enfin qu’outre la difficulté psychologique que peut représenter pour les patientes le fait de devoir se rendre dans un service maternité pour y subir une IVG, il serait nettement plus difficile d’y assurer le minimum de confidentialité dont elles ont besoin.

Le Conseil Municipal d’Ivry-sur-Seine :

  • affirme solennellement son attachement au droit à l’IVG et rappelle que l’Etat a l’obligation de tout faire pour que chaque femme puisse y avoir accès dans les meilleures conditions
  • condamne les restructurations qui sont en cours au sein de la fonction publique hospitalière qui, de manière générale, ont pour conséquence de diminuer l’offre de soins publique et, en particulier, de rendre plus difficile l’accès à l’IVG
  • demande à l’AP/HP et à la direction de l’hôpital de Bicêtre de permettre au centre IVG de conserver ses locaux et son autonomie, garants d’un bon accompagnement des patientes »

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